Le paysage politique américain a radicalement changé avec Trump qui a été réélu, échappant ainsi à toute incarcération. Elon Musk a joué un rôle crucial dans cette réélection, utilisant sa fortune, sa personnalité et son acquisition de Twitter comme des outils électoraux décisifs dans une démocratie américaine en déclin.
Lors de la cérémonie d'investiture, Musk a effectué un salut nazi. Le PDG de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) a rapidement adopté les politiques ultra-conservatrices de Trump. Les autres géants technologiques se sont alignés, formant un bloc ploutocratique uni.
En France, la majorité de nos politiciens, qu'ils soient de droite ou de gauche, continuent d'utiliser activement ces plateformes. Pour eux, avoir des centaines de milliers de followers (même si une partie est constituée de bots) est plus précieux que de boycotter ce qui est devenu le média d'extrême-droite le plus influent.
Évaluation de Notre Dépendance Numérique
Alors que la démocratie américaine se délite, nous aurions tord de ne pas saisir pleinement l'ampleur de ce bouleversement moral, géopolitique, politique, écologique, économique et numérique.
Rappelez-vous en 2020, où la pandémie de Covid-19 a mis en lumière la nécessité de réindustrialiser. L'incapacité à produire des biens essentiels comme des masques sanitaires ou des médicaments a été un signal d'alarme.
Il est crucial de comprendre que cette dépendance s'applique également aux services numériques fondamentaux qui structurent notre quotidien. Chaque jour, combien de requêtes envoyons-nous vers les serveurs américains ? Cette dépendance numérique nous rend vulnérables et doit être adressée avec la même urgence que la réindustrialisation.
Pourrions-nous survivre à un Embargo Numérique ?
Avez-vous tenté de quantifier notre dépendance numérique ? Bonne chance. En particulier, l'Europe ne dispose pas d'un moteur de recherche véritablement compétitif. Ecosia, Qwant, Lilo et autres ne sont que des alternatives marginales face aux géants Google et Bing.
Notre infrastructure numérique est également entièrement dépendante d'intérêts étrangers, à commencer par nos smartphones (aucun smartphone n'est fabriqué en France, malgré les annonces).
Quelle ironie de savoir que nous savons produire des slips "made in France" à 60 € l'unité, mais nous sommes incapables de réaliser un appareil que nous consultons des centaines de fois par jour. De plus, nous n'avons pas de système d'exploitation mobile français ou européen car Android et iOS ont éliminé toute concurrence. Par conséquent, nous n'avons aucun moyen d'influencer les bénéfices ou les problèmes sociaux liés aux smartphones.
Nos hôpitaux aussi dépendent de Microsoft et notamment de sa filiale irlandaise, pour gérer nos données de santé.
La SNCF a migré ses services vers AWS, la filiale cloud d'Amazon. Ses dirigeants en sont fiers, mais cette dépendance pose un risque majeur car sans Amazon il n'y aura plus de voyages en TGV.
Des centaines de milliers de cadres, dont des fonctionnaires, connectent leur messagerie professionnelle à Gmail. Ainsi, ils donnent à Google un accès direct aux informations stratégiques de leurs organisations.
Pouvez-vous me dire combien de services essentiels, comme les urgences ou la sécurité, dépendent de Google Maps ou de Waze pour leurs déplacements ? Combien d'associations et/ou d'entreprises ont bâti leur communication externe sur Facebook et interne sur WhatsApp, toutes deux propriétés de Meta ?
Saviez-vous que même au sommet de l'État, Emmanuel Macron utilisait Telegram pendant son premier mandat, sans que cela ne suscite suffisamment d'inquiétude en interne ?
La Fin de la Libre Circulation des Données ?
Relocaliser notre infrastructure numérique peut sembler moins urgent que pour d'autres industries, car les données traversent les océans en un clin d'œil sans obstruction apparente.
Cependant, les câbles sous-marins sont de véritables autoroutes de l'information qui sont vulnérables.
Une interruption des réseaux filaires et cellulaires pourrait déstabiliser toute une région, comme le montre par exemple la série "Conflict".
La Domination des GAFAM équivaut à Une Dissuasion Nucléaire
Nous avons tendance à considérer un accident nucléaire comme la pire des catastrophes pour un pays. Cependant, un black-out numérique pourrait être tout aussi dévastateur. Imaginez les conséquences si nos hôpitaux et services d'urgence étaient paralysés par une panne numérique.
« Nous avons commis l'erreur de dépendre du gaz fossile de Poutine. Aujourd'hui, nous répétons cette erreur en nous reposant sur les technologies numériques contrôlées par Trump. Si ce dernier décidait de nous couper l'accès aux services de Google et Microsoft, nous serions contraints de revenir aux annuaires papier », explique le directeur d'Ecosia.
Le Soutien de la Puissance Publique
Pourtant, la France possède un vivier de talents dans le domaine numérique. Les Français sont à l'origine de certaines des meilleures innovations en matière de LLM, rivalisant avec ChatGPT. Il est temps de mobiliser ces talents et de leur faire confiance.
Un changement de mentalité, tant chez les citoyens que chez les dirigeants, est essentiel pour reconstruire une souveraineté numérique européenne.
Notons que l'État fait à cet égard nombre d'efforts, en déployant la messagerie chiffrée souveraine Matrix ou en créant sa suite numérique. Dans le privé, il existe le suisse Infomaniak ou le français Zaclys qui ont beaucoup de talent. Le président de la République n'utilise plus Telegram et a créé un rapport de force avec le responsable de cette messagerie qui fermait les yeux sur du trafic d'esclaves au Moyen-Orient (le Monde).
Une Course Coopérative
Le succès de Mistral face à OpenAI repose sur l'open source et le logiciel libre, tout comme DeepSeek en Chine. OpenStreetMap, un projet collaboratif et libre offre une carte numérique aussi précise que Google Maps .
Même Apple et Microsoft ont adopté des éléments open source pour rivaliser avec Google Maps. Qwant a également suivi cette voie en lançant ses propres cartes.
Il reste à créer un équivalent européen d'OpenStreetMap pour les moteurs de recherche, et il serait dommageable de le privatiser.
L'association Framasoft a pu proposer des alternatives aux services Google malgré ses ressources limitées.
Il est impératif que l'Europe reconnaisse sa position de dominée et mise sur l'ouverture du code et la collaboration européenne pour relever le défi de la relocalisation numérique.